4 compétences clef pour la découverte des métiers
Comment concevoir un parcours de découverte des métiers au collège, au lycée, en mission locale ou quand on accompagne vers l’emploi et la formation ? Parmi les clichés les plus répandus sur les nouvelles formes d’organisation du travail, l’idée que chacun·e est appelé·e à exercer plusieurs métiers durant sa vie professionnelle figure en bonne place. Dès lors, la nature même de l’orientation vers un métier ou une formation change de nature. Il ne s’agit plus de faire un choix dans son jeune âge, mais bien d’acquérir une compétence à s’orienter qu’il faudra solliciter à plusieurs âges de la vie.
Sans nous prononcer sur la réalité de cette polyvalence pour tous·tes, nous constatons cependant qu’il est attendu des professionnel·le·s de l’orientation de savoir accompagner leurs publics dans la découverte des métiers. Cette étape est ainsi attendue des enseignants dès la classe de 5e au collège, plus certainement au lycée. De la même façon, les conseillers·ères en insertion professionnelle doivent, notamment dans le cadre du CEJ, proposer des activités concourant à cette meilleure connaissance des univers professionnels. Reste à définir ce qu’il faut entendre par découverte des métiers. De quoi s’agit-il ? Quelles sont les compétences, les connaissances qui seront cultivées chez celle ou celui qui découvre des métiers ?
Voici donc une proposition de 4 compétences clefs qui nous semblent pouvoir servir d’ossature à un parcours de découverte des métiers, quel qu’en soit le public.
1- Prendre conscience de l’existence de représentations initiales
C’est sans doute la plus fantasmée des situations. Nous serions tous·tes victimes de clichés qui viendraient réduire notre capacité à saisir le monde professionnel dans sa réalité. Les femmes et les hommes seraient par nature destinées à occuper des emplois différents. Le travail industriel serait inchangé depuis Zola, sale et polluant. Pire encore, nous ignorerions des métiers pourtant indispensables et pleins d’avenir, notamment dans l’univers du numérique. Si tous·tes s’accordent à trouver chez les autres bien des clichés, il est en revanche plus difficile d’identifier ses propres biais de perception, les angles morts de sa connaissance des univers professionnels.
Il nous semble donc qu’un véritable parcours de découverte des métiers débute par des activités permettant d’identifier le travail qui sera à faire pour dépasser ses représentations initiales, afin de s’investir véritablement dans un travail de découverte.
Quelques activités à réaliser en atelier collectif développées dans nos modules pédagogiques Métiers360 pour illustrer cette étape :
- Réunir les participant·e·s et leur fournir les listes des univers métiers et des métiers présentés dans les vidéos en réalité virtuelle. Organiser une petite activité de découpage, une vignette par univers métiers et une par métier. Ensuite, chercher à retrouver les univers correspondant à chaque métier.
- Inviter les participant·e·s à décrire a priori deux expériences présentes dans le casque, par exemple les métiers des travaux publics et ceux de la petite enfance. Faire des groupes parmi les participant·e·s à l’atelier et leur demander de faire des persona, c’est-à-dire des personnages fictifs mais crédibles. Regarder ensuite les vidéos.
- Faire une playlist avec les deux vidéos de l’univers de la boulangerie. Proposer aux participant·e·s de décrire a priori les tâches, les outils, les contraintes des professionnel·e·s. Regarder les vidéos de la boulangerie artisanale et de la boulangerie industrielle.
- Dans ces deux derniers ateliers, l’exercice est sensiblement le même : il s’agit de prendre conscience de ses représentations en confrontant ses attentes a priori et l’expérience immersive. C’est dans l’écart entre l’attendu et le perçu qu’émerge la perception du travail à faire.
Du point de vue de la personne travaillant son projet, ce type d’atelier doit permettre de verbaliser quelques premiers constats :
- On peut ignorer l’existence de certains métiers (ex : ergothérapeute).
- On peut exercer le même métier dans plusieurs univers (ex : chargé de clientèle).
- On peut avoir des a priori sur un univers ou un métier (ex : l’auxiliaire de puériculture est un homme).
2 – Savoir décrire un environnement professionnel
Avant de pouvoir exprimer des préférences pour un métier, notamment au regard de ses aptitudes et affinités, il faut encore pouvoir percevoir aussi précisément que possible les attributs de celui-ci. La compétence « je sais décrire un univers professionnel » indépendamment de mon intérêt pour celui-ci nous semble être un indispensable préalable à toute forme de positionnement personnel.
Savoir décrire un univers, c’est être capable de passer d’une impression (« c’est cool, cela m’a plu ») à l’identification des caractéristiques de l’univers observé. Ces caractéristiques sont au cœur des fiches métiers ou des descriptions proposés par les référentiels publics, dont celui de Pôle Emploi.
On peut ainsi décrire un métier par plusieurs types d’attributs d’une complexité d’observation croissante :
- Les temporalités du travail. Pour les publics scolaires en particulier, l’hétérogénéité du temps de travail ne va pas de soi. L’observation des horaires de travail (régulier, irrégulier), des temps de repos, des contraintes horaires (de nuit, décalé) sont autant d’observations faciles à faire mais permettant une première description factuelle d’un métier.
- La nature de l’organisation (entreprise, service public, association) puis dans les sous-catégories qui en découlent. Par exemple, pour une entreprise on pourra distinguer la taille (unipersonnelle, PME, Grande Entreprise), le projet (sociale et solidaire, entreprise cotée, entreprise familiale), la dynamique (start’up, stable, en crise…) et ainsi de suite. On pourrait naturellement mener le même exercice de distinction pour des services publics (d’État, collectivité, hospitalier, etc.)
- L’environnement de travail. La notion est là aussi riche de distinctions possibles. On peut identifier des notions simples (travailler en extérieur ou à l’intérieur) comme des notions plus subtiles (environnement coopératif ou compétitif).
- La nature des interactions. L’observation de la réalité d’un emploi permet de repérer rapidement les personnes ou objets avec lesquels le ou la professionnel·le est en interaction durant sa journée de travail. On peut travailler avec des collègues, des client·e·s, des patient·e·s, des usagers·ères. On peut travailler avec des machines, des êtres vivants, des animaux. On peut être en réseau physique ou virtuel, et ainsi de suite.
- Les principales compétences engagées. C’est la dimension la mieux documentée dans les ressources de type fiche métier. On décrit les tâches réalisées pour mieux formuler les savoir-faire et les savoir-être correspondants.
- Les valeurs professionnelles. Plus délicates à observer, les valeurs professionnelles font cependant souvent partie des témoignages de professionnels. En écoutant le sens perçu par ceux et celles qui exercent une profession, on peut voir apparaître des systèmes de valeur plus larges. Ils seront tournés vers les autres (les métiers du care), vers des formes de performance individuelle ou collective, ou encore qui valoriseront l’esprit de recherche, la curiosité, l’innovation.
Plusieurs activités proposées par Métiers 360 dans ses modules pédagogiques permettent de développer cette compétence « je sais décrire un univers professionnel ». Elles s’appuient sur les ressources en réalité virtuelle et reposent sur des scénarios simples du type :
- Les participant·e·s à l’atelier choisissent un univers professionnel dans le catalogue des vidéos, notamment à partir des images. Pour ce faire, ils et elles peuvent être regroupé·e·s en petits groupes. Avant le visionnage de la vidéo, les métiers attendus sont décrits. Après la vidéo, une fiche métier est complétée.
- L’animateur·rice choisit un métier dans l’un des univers proposés. Il ou elle peut s’appuyer sur la fiche ROME pour la description des attributs du métier. Il ou elle propose ensuite aux participant·e·s de deviner le métier qui se cache derrière les attributs présentés. L’approche peut même être ludique pour ceux et celles qui rêvent d’animer Questions pour un champion !
Du point de vue de la personne travaillant son projet, ce type d’atelier doit permettre de disposer d’une grille de description d’un métier adapté à sa situation.
3 – Savoir se positionner en affinité avec un métier ou un environnement professionnel
Il ne faut pas se précipiter vers cette étape. Surtout, ne pas débuter son accompagnement par une question « Qu’est ce qui t’intéresse comme métier ? ». Elle est essentielle mais ne doit pas être première. Cette étape de positionnement en affinité par rapport à un métier requiert les préalables des deux premières étapes. Réalisée trop tôt dans le processus, elle risque de figer une situation qui deviendra un obstacle au travail de découverte qui est à faire.
L’expression d’une préférence pour un métier pose en effet plusieurs difficultés. Non seulement, il faut partager un peu de son intimité, ou du moins de sa personnalité, mais il faut aussi s’exposer, afficher une ambition est assumer que celle-ci puisse éventuellement surprendre son interlocuteur·rice. Dire « ce métier est fait pour moi », c’est en quelque sorte avoir la force de dire « je peux le faire » à un moment de sa vie où justement, soi-même et son entourage en doute…
Notre conviction est donc que cette étape est davantage bénéfique si elle vient après qu’une authentique dynamique de groupe s’est installée. Il faut avoir un peu confiance dans l’esprit de bienveillance du collectif, dans la posture du ou de la médiateur·rice et dans les bénéfices pour soi-même du travail qui est en cours. Nous recommandons donc de privilégier l’oralité et le collectif dans cette étape pour qu’elle soit un moment de libération de la parole.
En pratique, les activités proposées dans nos modules pédagogiques, reposent sur un dispositif simple dont les principales étapes sont :
- Les participant·e·s sont regroupé·e·s en binômes. Le ou la médiateur·rice invite les participant·e·s à faire un peu connaissance. Il ou elle peut choisir de guider (ou non) leur échange. L’enjeu est une première expression d’éléments de personnalités. Si un travail a déjà été fait avec des outils de type « Tests de personnalité », il est possible d’en faire le commentaire avec son binôme. On peut également structurer la discussion en imposant des contraintes formelles comme :
- Citez deux célébrités qui vous inspirent.
- Donnez deux activités idéales pour le weekend prochain.
- Décrivez ce que vous ne feriez pour rien au monde.
- La liste des vidéos 360 du catalogue est remise aux participant·e·s. Ils ou elles en prennent connaissance puis choisissent deux vidéos. La première est pour soi-même, la seconde est pour le ou la binôme.
- Les utilisateurs·rices regardent les vidéos.
- Le debrief se fait au sein du binôme. Chacun·e explique quelle vidéo il ou elle a vu et partage son impression. L’échange doit ensuite se porter sur les écarts entre les choix faits a priori et la réalité de l’expérience. « Voilà pourquoi j’ai pensé que cette vidéo aurait pu t’intéresser » et « Voilà les raisons qui ont fait que j’ai apprécié (ou pas) la vidéo proposée ».
Pour les participant·e·s à l’atelier, ces activités permettent une première expression de préférences entre des attributs de personnalité et un univers professionnel. L’enjeu n’est pas l’adéquation ou le fait d’avoir trouvé sa voie, mais la compétence d’expression de préférences, la mise en résonance partagée de préférences personnelles et d’attributs d’un emploi.
Note : pour aller plus loin sur cette étape, on pourra s’intéresser à l’approche Ikigai qui propose une grille de lecture de ses affinités (voir par exemple ici).
4 – Savoir être pro-actif·ve dans sa recherche d’information
La dernière étape structurante d’un parcours de découverte des métiers vise l’autonomie dans la suite du cheminement. Il est raisonnable de penser qu’après ce premier parcours de découverte des métiers, le travail continuera sans encadrement. L’enjeu de cette étape est donc de favoriser chez les bénéficiaires le développement de postures pro-actives dans la recherche d’information. Cette étape est également une opportunité de faire le bilan des précédentes et de permettre le ré-investissement des compétences acquises.
En pratique, nous suggérons une plus grande préparation par le ou la médiateur·rice des ateliers. Cela permettra de faire le lien avec les autres dispositifs disponibles pour la recherche d’information, de stages ou de formations proposés par votre structure.
Les modules pédagogiques Métiers 360 vous proposent une démarche du type :
- Identifier un ou plusieurs univers métiers pour lesquels vous disposez de ressources complémentaires, mises à disposition de vos publics. Il peut s’agir de ressources documentaires, d’opportunités de rencontre ou de stages, de portes ouvertes, etc.
- Proposer au groupe de définir a priori les métiers en utilisant la grille de description d’un métier établie en étape 2.
- Visionner les vidéos et notez les écarts avec le travail fait a priori. En particulier, identifier les points anticipés mais non vus dans la vidéo 360.
- Définir avec les outils disponible le programme de recherche d’information complémentaire.